Historique de la population Podoko
Par Mahama Abel
L’histoire de la population PODOKO s’organise autour de leur ancienneté dans les Monts-Mndara, de leur origine et de leur appartenance linguistique.
1) Une population ancienne
Le peuple PODOKO est l’une des populations les plus anciennes des Monts - Mandara. Plusieurs pistes ont été l’objet de reconstruction de ces faits. Chez les PODOKO en effet, la tradition révèle l’utilisation des objets à l’instar des burins, des grattoirs et des broyeurs taillés sur pierre polie. Cette hypothèse se confirme par le système d’aménagement de l’espace avec le modèle des terrasses, qui ne sauraient être une façonnation jeune. D’ailleurs, N. David, cité par M. MORIN (2000) corrobore et d’après ses études, ce peuplement des Monts-Mandara, dont les PODOKO, serait ancien et remonte à une date lointaine. Ainsi, Les traces matérielles et immatérielles qui ont été retrouvées confirment une occupation ancienne de l’espace actuel qui daterait du 14è et 15è siècles de notre ère selon les recherches.
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Sur le plan matériel, l’aménagement de l’espace est basé sur la technique des terrasses. De plus, les PODOKO font usages des objets dont les origines remontent à une date lointaine. D’ailleurs, LEMBEZAT dans ses recherches a trouvé que certains matériels polis et soigneusement taillés tels un outillage lithique – haches, burines, broyeurs, ovoïdes ou sphériques – généralement poli, d’une assez belle facture, et parce que aussi conservés par certains détenteurs de pouvoirs, notamment par les maîtres de pluie.
Dans la tradition, la généalogie est difficile à reconstituer car elle remonte à plusieurs dizaines de générations jusqu’aux premiers ancêtres des PODOKO.
2) Origine
Les PODOKO, seraient redevables des mouvements issus de l’est et de l’ouest, qui se sont parfois inextricablement enchevêtrés. Ils seraient issus des croisements avec d’autres peuples des Monts-Madara ; les gens d’Oudjila se disent venus de Mada, et ceux de Slalawa et l’ensemble du bloc constitué par le Salavada et venant directement de Waza. La lecture que nous pouvons faire de ce constat est que arrivés à Waza, il y a eu scission du groupe partis au même moment, vers des directions différentes pour se retrouver à un même endroit. . Dans le même sens, on y trouvait souvent mentionnés dans les légendes d’installation, l’alliance du héro fondateur avec un premier occupant. Ainsi, de l’avis des PODOKO, ils seraient venus de l’Est. Sous la plume de B. LEMBEZAT (1961 :14), ces peuples disent :
Être venus depuis le rocher de Waza à la recherche d’une courge qui, selon le clan de l’informateur, est supposé avoir passé ses rameaux jusqu’ à fructifier à soixante kilomètres de ses racines, ou bien avoir roulé sur le sol. Le ou les fondateurs auraient été incités par le caractère extraordinaire de cette courge à s’installer au lieu de sa maturation. Un veau intervient aussi, qui s’échappe d’abord, et retrouvé à côté de la courge, puis sacrifié.
Et l’histoire recueillie dans ce sens révèle que tous seraient des frères mais seulement n’auraient pas emprunté le même chemin. Toutefois, il reste valable que ce peuple est le résultat de nombreux métissages dus à des mouvements migratoires de plus en plus ou moins grande amplitude qui se sont établies en une grande période jusqu’à une époque relativement récente selon BOUTRAIS et al. (1984).
Ainsi, il ressort tout simplement que les PODOKO seraient relativement un peuple anciennement établi dans cette région. Leur origine semble difficile à reconstituer cependant, elle est ouverte sur plusieurs hypothèses et les pistes explorées à cet effet ont essayé de la comprendre à travers l’évolution de leur provenance, jusqu’à leur arrivée dans les Monts-Mandara, où ils ont été soumis à l’influence coloniale qui aurait remarquablement influencé par leur système d’organisation.
Ce qui précède n’est qu’une lecture directe, qui reste encore dans le mémoire, du lieu de provenance car, les origines remontent encore très loin que cela. C’est exactement ce que confirmeront les détails que nous évoquerons dans la suite de ce travail.
L’origine des PODOKO remonterait à la civilisation paléo soudanaise et méditerranéenne. Les études qui ont été faites sur ce peuple montrent que culture matérielle renvoie à la culture soudanaise ancienne ou de la méditerranée. La fumure des terres et les cultures en terrasse sont attribuées par LEMBEZAT à une vague d’hommes d’une civilisation ancienne qui a traversé tout l’Orient, et qui est arrivé au Soudan depuis l’Abyssinie selon toute vraisemblance. Alors, on peut convenir avec le fait que les PODOKO ont des traits essentiellement soudanais anciens.
Si l’on se réfère à la classification généralement admise et à la terminologie du Dr BEAUMANN, nous avons ici affaire, dans le cercle du Soudan central, à des paléo négritiques, et même remarquablement conservés .C’est pourquoi, selon BEAUMANN,
Il est difficile de distinguer cette civilisation néo-soudanaise d’un courant distinct, venant de la méditerranée, qui coupe en direction Nord-sud, après avoir traversé le Sahara .A côté ou plutôt par-dessus la base paléo négritique, et là aussi depuis le Sénégal jusqu en Abyssine, on classera dans une civilisation néo-soudanaise des traits de cultures particulières tels les greniers-tours, les jarres figurines sous forme d’urne. Déjà nos gens ne sont plus uniquement paléo soudanais, puisque la civilisation de l’argile remonte, selon notre l’auteur précité, à la paléo méditerranéenne ou syrtique
Cette origine renforce véritablement sa source dans la langue, qui demeure l’un des repères incontestables.
3- Filiation linguistique
La langue PODOKO ou « PARKWA » est classée par les linguistes dans la famille chamito-sémitique ou afro-asiatique. Les langues de cette famille couvrent une aire géographique considérable qui s’étend du Nord de l’Afrique (du Maghreb jusqu’au Nigeria et une partie au Cameroun parmi lesquelles le PARKWA), en passant par l’Ethiopie et la Somalie. Sous l’influence de la genèse (Bible judéo-chrétienne), les spécialistes européens de la langue ont présenté les Hébreux, les Araméens, les anciens Egyptiens et les Arabes comme les descendants de Sem, d’où sémitique, et de Cham, d’où Chamite, le fils du patriarche Noé. Il est aussi impotent de signaler que on a inventé tout récemment le terme tchadique, pour désigner toutes les langues parlées dans le bassin du lac Tchad.
En somme, l’histoire des PODOKO nous montre que ce peuple est l’un des premiers à conquérir les Monts-Mandara. Ils sont issus des mouvements migratoires qui les situent dans les origines paléo soudanaise. Leur installation définitive dans le territoire actuel les a permis d’orienter des activités qui vont leur permettre de vivre et de s’épanouir.
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